La Salière
Scrogn | 15 juillet 2007J’ai encore surestimé mes capacités manuelles en débarrassant le lave-vaisselle avec une seule paluche. Ça s’est vu… et surtout entendu :
Chlink-chlink-chlink-chlink…
– Aaaaarrrgghhh et « $%* de »&* de $*& », ai-je dit. (voui, je l’ai mal vécu… C’était le service de vaisselle de mon mariage !!!)
Ce douloureux épisode m’a rappelé un petit truc que j’avais griffonné à l’âge de 15 ans. Je vous le livre (sans le briser ni même le corriger).
LA SALIÈRE
J’ai cassé la salière.
J’ai pourtant ouvert comme d’habitude la petite commode qui renfermait, tel un sombre cachot, la vaisselle, mais j’ai cassé la salière.
J’ai bien vu les assiettes empilées, dont le nombre diminuait au fur et à mesure de mes maladresses trop fréquentes. Les assiettes semblaient me présenter ma future victime, la première de la pile, qui me narguait de sa face placide et ouverte. Mais ce soir, j’ai cassé la salière.
Les verres étaient sagement alignés comme des soldats, offrant leurs si fragiles vies à la place des autres. Vides de haine et de vengeance, ils se donnaient à moi, assoiffés de gloire et de grandeur. A leurs morts, ils auront droit à une oraison funèbre durant laquelle on chantera leurs vertus brisées. Je les ai épargnés car j’ai cassé la salière.
Cachées derrière leurs grandes sœurs, les assiettes à dessert étaient les plus impressionnantes de par leur nombre. Il était en effet moins courant que ma malchance s’en prenne à elles, mais quand celle-ci frappait, elle était sans pitié. Aussi, ces pauvres petites périssaient par dizaines entre deux longues trêves. Or cette fois-ci, j’ai cassé la salière.
Les bols à soupe, eux, étaient insignifiants. Creux, gonflés d’orgueil, ces balourds méritaient un châtiment. J’ai donc été injuste puisque j’ai cassé la salière.
Bavardant dans un coin du meuble, les tasses, un poing sur la hanche, se souciaient peu de leur existence. Elles étaient souvent admirées à la place d’honneur sur la table, avec leur jupe soigneusement étalée autour d’elles, fières de leur beauté et de leur faste comme des andalouses. Mais je n’ai pas tué de Carmen, j’ai cassé la salière.
Invulnérables, les ustensiles me riaient continuellement au nez. Les inutiles corridas qui nous opposaient, m’épuisaient. Ils se savaient les plus forts. Chacune de leur chute se terminait par un « olé» humiliant et je m’inclinais alors devant leur supériorité. Mais il n’y a pas eu de corrida : j’ai cassé la salière.
Elle, la défunte, était assoupie paisiblement à côté de son frère, le poivrier. Lorsqu’elle se sentit soulevée par ma main coupable, elle n’a rien dit. Tranquille, infatuée d’une sotte confiance parce qu’elle se savait unique, elle paya cher cette naïveté. Quand elle comprit que je la lâchais, elle poussa un soupir avant de s’écraser lamentablement sur le sol carrelé avec un bref cri d’horreur. Elle est morte sur le coup, elle n’a pas souffert.
Au fond, c’était mieux pour elle.
Elle avait ainsi achevé sa vie d’esclavage. Constamment frappée ou secouée, elle ne savait que verser un flot de larmes cristallines. Elle a fini de pleurer. J’ai consolé le poivrier et le reste de la vaisselle, mais j’ai cassé la salière.
Je l’ai vite enterrée, croyant ainsi échapper à une punition méritée. Toutefois, après de mûres réflexions, je me suis dit qu’il y avait trop de témoins et que l’absence d’un des boucs émissaires sur la table pouvait être facilement remarquée. Le mieux pour moi était de me dénoncer avant que l’on découvre mon crime. On me pardonnera peut-être…Je courus vers Maman et je lui murmurais tout bas, avec des larmes de repentir dans les yeux : « J’ai cassé la salière… »
Après cela c’est évident que tu es née pour casser la vaisselle. ( spavrai il est magnifique ce texte).
Comme à la petite école (punition de moi à moi-même):
1-Je n’avouerai plus jamais publiquement que je suis très jalouse d’un texte (plein d’imagination) écrit par une fillette de 15 ans
2-Je n’avouerai plus jamais publiquement que je suis très jalouse d’un texte (plein d’imagination) écrit par une fillette de 15 ans
[…] 125- Je n’avouerai plus jamais publiquement que je suis très jalouse d’un texte (plein d’imagination) écrit par une fillette de 15 ans
Tricheuse, je suis sûr que tu as utilisé le copier/coller :op
Hey ! Ca se boit comme du petit lait ça M’dame !
Heu, là c’est TRES Claire, hum, clair : tu as un vrai don ! Avant je pouvais encore penser que ta virtuosité à la plume était le fruit d’un long et fastidieux travail…!
Chaque jour encore plus fan…Tilda
Guiness,
Que j’aurais aimé avoir cette fonction intégrée au poignet étant petite ! (et le Farahbuleux-Zépoux me`chuchote à l’oreille qu’il aimerait bien que je l’ai encore! ho le vilain!!!)
Tu fais comme tu veux mais si la tendace se maintient… tu devrais finir par faire comme tout le monde : acheter de la vaisselle en plastique. C’est léger, généralement incassable et PAS CHER. Je me suis mis au plastique parce que je me suis dis tout à coup qu’absolument rien ne justifiait que je doive FORCER pour manger.
Et pis, si tu échappes une assiette en plastique par terre, tu te couperas pas en ramassant l’assiette pas cassée 🙂