Ducon
Scrogn | 3 août 2009Nous avons un petit voisin dont toute personne saine d’esprit et heureuse détentrice d’un jardin se doit de détester.
Et parce que je suis charitable jusqu’au bout des ongles (de pieds fraîchement coupés) ,  je vais respecter son anonymat et lui octroyer un zoli pseudo qui lui ira comme un gant.  Appelons-le « Ducon ».
Oh, je vois tout plein de sourcils se lever, des pas-épilés, des rachitiques, des touffus, des poivre et sel, des bien-dessinés. Pourquoi tant de haine, me demandez-vous (non, parce que si vous ne me le demandez pas, je suis un peu embêtée, là .) ? Je vous répondrai que cette méchanceté toute nouvelle chez moi (qu’est-ce qu’on rigole) vient en fait d’une frustration indigérable. Voyez-vous, j’ai l’habitude inavouable (quoi que) de baptiser mes héros de jeux vidéo type RPG avec ce doux nom. D’abord, c’est passe-partout, ça me fait rigoler et surtout je peux ainsi écrire des gros mots à défaut de pouvoir les prononcer. Mais, là , « horror y damnaciones », mon jeu actuel a tout bêtement refusé de l’enregistrer. Z’avez bien lu : IL-A-REFUSÉ. Un jeu vidéo.
Donc, je me venge sur le petit voisin.
En toute amitié.
Ducon a le don de susciter chez moi un sentiment ambigu. Il m’agace mais en même temps il m’effraie. C’est qu’il passe la majeure partie de son temps à nous regarder par-dessus la clôture. Je devrais dire « nous fixer ». Avec ses yeux vides. Bbbbrrr… Imaginez : vous êtes confortablement installé dans une vieille chaise de jardin toute pourrie, les jambonneaux à l’air, un délicieux livre à déguster lorsque, levant machinalement le nez, vous le voyez. Immobile. Attentif. Dérangeant. Et vous aurez beau lui tourner le dos, vous sentirez toujours son regard de chouette comateuse sur votre nuque.
Mais ce n’est pas tout. Pour une raison inexplicable, il apparaît brusquement dans votre jardin. Vous avez pourtant bien fermé votre portail pour avoir la paix, mais ce petit Houdini des villes se rit de votre intimité. Il en profite pour faire des trous dans votre pelouse, déterrer vos plants de légumes fraîchement mis en potager, arracher tout sauf des mauvaises herbes. Si possible, vous surprenez l’énergumène en faisant la vaisselle, activité hautement recommandée pour tout dépressif qui se respecte. Vous lâchez votre activité ménagère avec, faute de remord, au moins la volonté de sauver ce qui est vert et que vous voulez voir pousser. S’en suit un pseudo dialogue des plus mornes :
Scrogn : Mais pourquoi tu fais ça ?
Ducon : …
Scrogn : Tu es entré par où ?
Ducon : …
Scrogn : Bon, tu veux que j’en parle à tes parents ?
Ducon : …
Scrogn : Tu ne veux pas me causer ?
Ducon : ….
Scrogn : Tu ne veux pas que je t’aide ?
Ducon : …
Scrogn : Tu sais parler, mon chou ?
Ducon : Oui. Pis va chier. T’es grosse.
Scrogn : Okkkkkkkkk.
Mais c’était l’année dernière. En prévision des aventures de Ducon dans notre jardin, nous avions :
–  Collé des cadenas sur notre porte de jardin. Oui, DES cadenas. Manquerait plus qu’on tombe sur un génie des combinaisons ou de crochetage de serrure.
– Abandonné l’idée de mettre en place un potager. De toute manière, vu la météo pisseuse jusqu’ici, et à moins de me transformer en maître nageur-secouriste, légumes et autres en devenir seraient morts noyés.
– Laissé la pelouse faire ce qu’elle veut. À savoir n’importe quoi. Nous aurons les regrets en moins.
Seulement, jusqu’ici, Ducon ne s’est pas manifesté.
Arghhh…
Il est atroce d’attendre pour rien une catastrophe. De se faire des cheveux inutilement.
Frisant l’angoisse, j’ai demandé aux affreux d’enquêter. Lesquels ont rempli leur mission avec un professionnalisme tout « scrogneugneu-esque ».
Le Crapulet : C’est bon ! On sait pourquoi on ne voit plus Ducon !
Scrogn : Génial ! Alors pourquoi ?
Le Crapulet : Hey, on va être d’accord  pour deux crèmes glacées ?
Scrogn : Diantre, les tarifs ont augmenté… OK, ça marche. File-moi les infos.
Le Crapulet : Ses parents se sont séparés. Ducon est parti vivre avec sa mère. Loin.
Scrogn (en extase) : Aaaaaaaaaahhhhhh !!!
Le Crapulet : Il ne reviendra que rarement, vu que son père a un chalet.
Bon… Je m’en suis voulue… J’ai pensé que le malheur des uns faisait le bonheur des autres. Suis-je irrécupérable ?
Charmant le p’tit con ! Encore un qui donne envie d’avoir des enfants 😛
Du coup, le potager… pour la saison sèche ? … Au fait, ça commence quand ?
Comment ça, « encore un » ? Tu penses aux affreux pour les autres ? 😀
Non, non.
« Toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé serait absolument fortuite ».
Monsieur Jean-Phi,
Pour vous faire pardonner, vous me ferez le zoo de Granby, le parc safari, le village d’antan (2 fois), la ronde, 3 ramassages de pommes…
… tout seul avec les affreux !