Histoire sans faim
Scrogn | 27 octobre 2009Avouez, les mamans (et les papas) qu’il existe des jours qui sont marqués d’un gros X bien gras sur votre calendrier personnel. Je ne parle pas des dates importantes à retenir pour fêter un petit truc ou de ceux qui vous apportent une belle surprise sur un plateau d’argent. Que nenni. Je parle de ces journées qui commencent mal et qui vont vous le faire comprendre.
L’expression veut que vous vous leviez, parfois, du pied gauche. Je dois en avoir deux. Surtout un dimanche à l’aube. Quand mon chéri  a eu à coeur de me rappeler qu’il était à mes côtés toute la nuit, de façon ronflante. Quand mes affreux ont la charité à cinq heure trente du matin, de reconstituer à la fois les plaines d’Abraham et Waterloo, dans leur chambre respective. Ça hurlait, ça sautait des lits (et ça faisait sauter des lits), ça frappait les murs, ça cavalait  comme des furieux et ça se disputait en grand.
Cinq heure trente du matin.
Après une nuit auprès un ronfleur.
Argh.
Bien évidemment, le reste de la matinée fût du même acabit.  Grumpy s’est employé à frapper avec ses petits poings dodus mon pauvre ordinateur qui pourtant avait tenté de se faire discret. L’Affreux Jojo jouait à agrandir un trou minuscule dans son pantalon neuf pour en faire une brèche monstrueuse. Le Crapulet, plutôt que de ranger la vaisselle, s’employait à la casser sous le prétexte graveleux de m’aider. Quant à mon Guinness, les yeux rivés sur son grand prix de formule 1, il lançait vaguement un timide « les gars, calmez-vous, s’il vous plaît », de temps à autre.
Autant dire que, à l’heure du repas, j’avais les nerfs en pelote. Pelote serrée, genre. Mais comme il est sacré pour moi d’avoir un moment privilégié avec ma meute, je tentais tant bien que mal, de taire le hurlement de bête sauvage, empli de gros mots bien sentis, qui m’étreignait le giron. Et, avouons-le carrément, de taire l’envie incroyable de les planter là pour me réfugier dans mon lit.
Si douillet.
Mais pas insonorisé.
Donc, rivant un sourire grinçant aux charnières rouillées de mes commissures,  je gérais difficilement mon humeur exécrable.  Tout en subissant les assauts exaspérants des affreux, il s’agissait de garder un calme olympien. Un beau repas en famille, ça se mérite, semble-t-il.
Alors que le Grumpy jouait à l’origami avec ses feuilles de salade avant de les faire tomber négligemment sur mon plancher tout propre, les deux aînés se chamaillaient avec une conviction allant crescendo. Vite, une idée…
Scrogn : Et si on jouait à « devine-à -quoi-je-pense » ?
Le Crapulet : Ouais ! C’est moi qui commence !
L’Affreux Jojo (en même temps) :  Ouais ! C’est moi qui commence !
Grumpy : OUAIS !!! OUAIS !!! OUAIS !!!
Scrogn : ON SE CALME !!! Droit d’aînesse oblige, mon Crapulet, tu démarres.
Je ne saurais dire ce que nous devions trouver. Un truc de la Rome antique, certainement. Quand ce fût au tour de mon Affreux Jojo, je mettrais ma main à couper que c’était alimentaire. Et mon Grumpy était de toute manière hors jeu.
Le Crapulet et l’Affreux Jojo (de concert ):  À ton tour, Maman !
Scrogn : Allons-y, mes affreux !
Le Crapulet : C’est un objet antique?
L’Affreux Jojo : Ça se mange ?
Scrogn : Non et non.
Le Crapulet : C’est d’une couleur particulière ?
Scrogn : Non.
L’Affreux Jojo : Ça se cuisine ?
Scrogn : Toujours pas.
Le Crapulet : C’est vieux ?
Scrogn : C’est censé exister depuis longtemps, mais pas chez tout le monde.
L’Affreux Jojo : Ça se met au frigo ?
Scrogn : Nope.
Le Crapulet : Nous en avons, dans la maison ?
Scrogn : Pas à ce que je sache.
L’Affreux Jojo : Ça se cuit ?
Scrogn : Non. Mais en l’absence de ça, ça fait bouillir.
Le Crapulet : Mais ça existe ?
Scrogn : Il paraît.
Mes deux aînés : Bon, nous donnons notre langue au chat.
Notre vieux matou (qui passait dans le coin) : Miaou ?
Scrogn (écumant) : LAAAAAAA PPPPPPPPPPPPPPAIX !!!!
Ils n’ont rien compris. La preuve, c’est qu’ils en rigolent encore.
reste que c’est difficile de te trouver des excuses… le premier on ne sait pas… le deuxième, le premier n’avait pas eu le temps de nous apprendre… mais après c’est parce qu’on aime patauger dans les problèmes. Donc ma solution, attrape le plus tannant, fait le cuir et sers le aux autres histoire qu’il sache ce qui les attend à partir de maintenant.