Caïn
Scrogn | 13 novembre 2011La peine allait être prononcée. Le tribunal semblait frémir de toutes ses boiseries tant l’ambiance était lourde. Tout le monde attendait. Les journalistes, agrippés à leur stylo. Le public, avide de croire partager un grand moment de justice. Les jurés, perdus dans leurs questionnements éternels. Les familles des victimes, anéanties.
Francis faisait partie des parents éplorés. Sa fille, Léa, avait aidé à l’arrestation du pitoyable monstre. Les policiers avaient retrouvé de l’ADN de son meurtrier sous ses ongles. C’est qu’elle avait combattu son agresseur de toutes ses forces, puisant dans son instinct de survie, du haut de ses sept ans. Grâce à son courage, on avait rapidement retrouver la trace de Mike, dûment fiché pour ses multiples viols, ses tendances pédophiles et ses exploits d’exhibitionniste.
Même si aucune autre trace n’avait été retrouvée sur les huit autres petites victimes, le modus operandi était si particulier que les membres du jury n’avaient pas hésité. Les fillettes avaient toutes été soumises à l’outrage écoeurant puis étranglées. Et comme si cela ne suffisait pas, le monstre leurs avait découpé les paupières comme pour les forcer à contempler éternellement l’horreur dont elles avaient souffert. Mike était le coupable. Seulement, il avait commis une erreur. Il avait rencontré de la résistance et n’avait su la gérer.
Dans un silence de crypte, le juge prononça les paroles qui allaient mener le coupable au fond de son couloir. Trente ans de prison. Francis fit un rapide calcul. Machinalement. Mike sera libre à l’âge de cinquante-cinq. Suffisamment jeune et frustré pour recommencer. D’autant qu’il avait retiré un plaisir indicible de ses méfaits et surtout un sentiment de toute puissance.
Francis serra les poings. Il voulait croire que Léa pouvait enfin reposer en paix. Sa fille chérie. Morte trop tôt et dans des conditions atroces, emportant sa mère dans un tourbillon de chagrin. Le père se leva péniblement. Il devait sortir. Tout de suite. Dans un brouillard épais, il dut écarter des micros, des caméras, des gens.
Dans l’habitacle de sa voiture, il se sentit presque en sécurité, malgré les coups insistants sur les vitres. Il se concentra, respira profondément et se fraya un chemin parmi la foule.
Il roula environ une heure en pleurant. Puis il vit l’Arbre. Il le visa et appuya sur l’accélérateur. Il mourut sur le coup.
Le plus immonde, c’est qu’il versait des larmes sur son sort. Pas sur ses huit victimes, injustement attribuées à Mike.
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