L’Affreux-Jojo à fleur de pot
Scrogn | 29 septembre 2014L’Affreux-Jojo n’est pas célèbre pour être un champion de patience. De toute manière, il n’a pas le temps pour ces bêtises. Lui, ce qu’il veut, c’est tout, tout de suite et que ce soit tout entier. Surtout en matière de nourriture.
Notre grand échalas frémit au moindre délai, bouillonne à chaque sursis, explose pour tout atermoiement. Il faut le voir, trépignant d’impatience derrière la porte du four ou pestant vivement contre la pousse d’une pâte. L’Affreux-Jojo adore se faire attendre mais ne souffre pas de patienter.
Aussi, ses parents furent ravis que son école, l’année dernière, lui propose un projet de longue haleine : faire pousser une plante. Une fleur. Un tournesol.
Il se voyait déjà en savourer les graines, issues d’un vaste champs né de ses talents verts.
Bien évidemment, l’Affreux-Jojo fut le seul de sa classe à voir son plant faire une tentative de suicide en sacrifiant son unique feuille. Après l’avoir engueulé copieusement, notre fils eut la bonne surprise de voir son espoir végétal renaître. Puis vinrent les vacances d’été. Quand il a rapporté ce petit pot, je dois avouer que des doutes sérieux m’habitaient. Je voyais déjà notre petit enfoncer avec rage sa spéculation végétale dans notre compost.
Il n’en fut rien. Fiston veilla maternellement sur une tige maladroite, ornée d’une minuscule promesse feuillue. Et la promesse devint serment. Elle se fit productive en multipliant des sœurs et en se gorgeant de soleil. Un jour, la plante enfanta d’un bouton de fleur rachitique qui ne demandait qu’à s’épanouir. L’Affreux-Jojo en fut ému jusqu’aux tréfonds de son âme.
Seulement, voilà. Alors que nous admirions le fruit de sa persévérance derrière les vitres sales de la cuisine, nous vîmes un écureuil trancher d’un seul coup de dents cruel les espérances du rejeton numéro deux, et s’enfuir lâchement avec son larcin dans une bajoue devenue obèse…
Alors que je m’attendais à une explosion de colère noire, l’Affreux-Jojo haussa philosophiquement les épaules :
» Bon, j’aurais mieux fait de dresser un écureuil de garde. «